« Quand le vélo donne des ailes » – Récit d’une aventure

« Rouler-voler ». Telle était l’ambition de Manon et Simon, qui ont silloné l’Amérique à vélo, en quête de randonnées, de rencontres et… des meilleurs spots de kite surf. Leur aventure, achevée mi-2019, aura duré près d’un an.

«Quand il a fallu tirer la charrette, le premier jour j’ai cru qu’on n’allait jamais y arriver. Les cyclistes qu’on rencontrait disaient qu’on était beaucoup trop chargés. Et puis, au final, on s’y fait. Le corps s’adapte.» Si elle en rigole aujourd’hui, Manon Condet n’en menait pas large aux premiers jours de son périple, lorsqu’elle s’est élancée de Vancouver, le 11 juillet 2018, aux côtés de son compagnon, Simon Chauvat.

En quête d’une manière écologique de découvrir le monde, les deux Saint-Pierrois ont imaginé ce périple, qu’ils ont baptisé « Rouler-voler». Le concept? Sillonner l’Amérique à vélo, en quête des meilleurs spots de kitesurf, discipline que Manon pratique depuis une quinzaine d’années. Mais le voyage a été bien plus que cela. Chaque étape se révélant un nouveau voyage en soi.

Étape n°1 : l’Amérique du Nord : Tout commence dans un magasin de vélo de Vancouver (Canada). Ils optent pour des cadres en acier,des vélos réputés plus robustes et plus faciles à réparer. Ils y attellent une petite charrette qu’ils ont fait venir par avion pour transporter leur matériel de kitesurf. « Chaque vélo faisait 14 kg, quand on ajoutait l’équipement, l’eau, la nourriture, on arrivait à 40 kg chacun. En plus des 45 kg de charrette, tirée à tour de rôle. Autant dire qu’on a vite réduit nos objectifs de distance », explique cette biologiste marine, qui n’avait jamais fait de voyage à vélo jusqu’ici.

Calculé en fonction des saisons

Pour participer à cette aventure, elle a dû démissionner de son précédent poste, tandis que son compagnon, Simon Chauvat, ingénieur en qualité environnementale, a pu bénéficier d’une année sabbatique. Pour la petite histoire, ce militant associatif fait partie des co fondateurs de Alternatiba péi.
La bonne condition physique du couple – ils font tous les deux du trail – les aide à surmonter le choc physique des premiers jours. Et à profiter à fond de cette côte ouest, où ils déploient les voiles dès qu’ils le peuvent.

En octobre, lorsqu’ils arrivent à San Francisco, censé marquer la fin de leur périple nord-américain, ils se sentent tellement bien qu’ils poussent jusqu’à Los Angeles. Puis jusqu’au Mexique, en Basse-Californie où ils arrivent pour les fêtes. Ils ont alors 5 000 km dans les guiboles.

Démarre alors la deuxième étape de leur aventure. La Patagonie. Le couple abandonne la charrette, les planches et les voiles.
Seuls les vélos les accompagnent dans l’avion qui les emmène à Santiago du Chili. « Nous avions calculé notre voyage en fonction des saisons. Nous avons démarré dans le Nord pendant l’été boréal pour redescendre vers le Sud pendant l’automne, en suivant le chemin des baleines et des oiseaux migrateurs. Ensuite nous sommes passés dans l’hémisphère sud pendant l’été austral», détaille Manon Condet.

Au Chili, le couple prend le cap d’Ushuaïa, la pointe sud du continent, distante de 2500 km environ:« Quand on vient de La Réunion, qu’on est habitué au climat tropical, découvrir ces paysages, ces fjords,des glaciers,c’est vraiment fascinant »,se remémore la biologiste.
Dès qu’ils le peuvent, ils troquent les vélos pour les sacs à dos, et partent randonner dans les parcs naturels chiliens et argentins. Ils profitent de ces pause, pour faire quelques réparations sur leurs vélos, soumis à rude épreuve.


Les orages de l’Altiplano

« Le plus dur en Patagonie, c’est le vent. Par endroits, les rafales dépassent les 80 km/h. Quand tu l’as de face, tu n’avances pas. Quand il est de travers, c’est super dangereux, tu te retrouves au milieu de la route, sans même t’en rendre compte », raconte cette passionnée de kitesurf, pourtant habituée à dompter les alizés.

A Ushuaia, où ils arrivent en mars, ils prennent un bus pour le nord de l’Argentine. 54 heures de route pour les amener à Salta, point de départ de leur troisième et dernière étape, sans doute la plus physique: les hauts plateaux de la cordillère des Andes. Désir mais rompus aux coups de pédale, ils s’ajoutent une difficulté supplémentaire, liée à l’altitude. En rejoignant San Pedro de Atacama au Chili, ils passent leurs premiers COls à plus de 4000 m et découvrent la puissance des orages de l’Altiplano, qui les obligent, un soir, à trouver refuge dans une école. En Bolivie, ils sont suffisamment acclimatés pour s’autoriser l’ascension (à pied) du Licancabur, un volcan qui culmine à 5 916 m d’altitude.

Ils traversent à vélo les paysages féeriques du désert du Sud Lipez, puis le Salar de Uyuni, rejoignent La Paz, longent le lac Titicaca, pour finir leur périple à Cuzco, aux portes du Machu Picchu.

Au total, ils auront pédalé pas loin de 10000 km. « C’est à la portée de tout le monde. Il faut juste ne pas être trop impatient, apprendre à se connaître, adapter les distances », minimise la globe-trotteuse. Le couple est retour à La Réunion depuis l’hiver dernier. Avec des souvenirs plein la tête.

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Source : Le Quotidien de la Réunion – Guillaume KEMPF – 12 Janvier 2020